vendredi 23 novembre 2012

CHAPITRE 4


Reidrag, territoire des dragons. Les plus puissantes créatures vivantes des Terres Uniques. Située à la frontière des Terres Interdites et du Royaume de la Déesse Terra, Reidrag est une vaste plaine aride entourée de pics abrupts. La résidence du Roi Dragnar, Seigneur des dragons et compagnon d'armes de Solstyce. Un ciel orageux recouvrait cette étendue désertique, où quelques béhémots luttaient pour un maigre festin. Un rugissement résonna soudain. Perçant le silence éternel un béhémot d'or surgit des nuages et s'engouffra dans une caverne surplombant la mer. 
La créature traversa de larges couloirs, passa devant d'innombrables chambres et s'enfonça un peu plus au cœur de la montagne. Il s'arrêta face à une gigantesque ouverture taillée dans la roche et attendit, son énorme tête baissée, qu'on lui donne la permission d'entrer. Quelques secondes plus tard, une voix rocailleuse émergea des ténèbres et il pénétra dans l'antre.
— Depuis combien de temps regardons-nous l'humanité grandir ?
— Des millénaires... répondit Le Doré.
— Sais-tu qui nous sommes fils ?
— Nous sommes les protecteurs des petites races, mon roi...
— Nous sommes également la sagesse et la connaissance de ce monde, Drogth.
Dragnar émergea de l’obscurité de sa caverne, la faible lumière frappa ses écailles d’émeraudes, illuminant un instant les parois rocheuses. Malgré son grand âge et ses mille ans de règne, Dragnar n’avait rien perdu de sa prestance et de puissance. Ses fils, autant que ses ennemis, le craignaient. Dans le passé, il combattit aux côtés de Solstyce, servant loyalement les desseins de sa reine et l’honneur de sa maison. Solstyce et lui avaient entretenu un lien particulier, une amitié et un amour sans faille, et bien que Draganr demeurait l’époux de l’Impératrice du Ciel et des Océans, il ne pouvait oublier la douce dompteuse, sa maîtresse, la seule créature qui n’était pas de sa race, à être montée sur son dos. Il se rappela les batailles et le sang versé. Le déclin de sa maison, après que certains de ses rejetons joignirent les rangs de l’ennemi. Pourtant, depuis la mort de Solstyce, Dragnar espérait encore la revoir. Et voilà que son rêve le plus cher allait être exaucé, grâce à l’union de la reine des Galaxies et du roi des Elfes. De leur amour naquit une fille, dont la puissance pouvait, de loin, rivaliser avec celle de sa bien-aimée Solstyce. Droght contempla le regard infiniment triste de son père, il n’ignorait rien de ses sentiments et de sa mélancolie, toutefois, c’était son devoir de le ramener à la réalité et de le forcer à reprendre le combat. Il ne serait plus le fidèle compagnon de la dompteuse, mais il devait mener les armées, lui seul pouvait commander.
— Mon seigneur, il nous faut partir, nous rassembler et rejoindre les humains à Daroh. Machromus est entré en contact avec le descendant de Dariah, lui insufflant la volonté et le courage d’affronter le Dieu-Démon. Mais sans vous et votre puissance, cette entreprise sera vouée à l’échec. Vous ne serez plus le compagnon de Solstyce, mais son héritière n’en demeure pas moins notre reine et il vous appartient d’être auprès d’elle dans la bataille. C’est là votre ultime devoir.
— Tu parles bien, Droght, et avec justesse. Ta loyauté envers notre maison n’a jamais failli, je suis heureux de t’avoir à mes côtés. Cependant, tu te trompes, la demeure des hommes ne sera pas notre première escale. Il faut nous rendre auprès de l’Impératrice, quérir sa sagesse, car tu n’ignores pas la tâche qui est la mienne ?
Droght n’eut pas besoin de répondre, Dragnar devait sélectionner, parmi ses fils, ceux qui seraient les plus dignes de lui succéder, et les soumettre au jugement de la dompteuse de dragon. Celui qu’elle choisira sera désigné roi. Telle était la loi. Le doré suivit son roi qui s'engouffrait vers la sortie de sa caverne, lorsque le ciel fût en vue, Dragnar ouvrit grand sa gueule. Son rugissement se répercuta sur les parois rocheuses et trois énormes béhémots percèrent la couche nuageuse s'agrippant à la montagne.
Le roi-dragon parut mécontent du nombre, il s’attendait à bien plus.
— Vous seul avez répondu ?
Leurs regards se croisèrent et ils donnèrent leurs noms. Il y avait Drik, Gardien de la Porte du Sud. Orichon le Brave et Machromus le Sage. Le roi dragon les remercia d'un léger grondement et il partit, ses rejetons à sa suite, en direction de la forêt étoilée. Il ne leur fallut qu'une heure pour y parvenir. Dragnar se plaça en vol stationnaire et, à nouveau, rugit à pleine gorge. Quatre femelles se joignirent alors à eux. Surpris, Drogth demanda à son souverain comment ces créatures titanesques avaient pu passer inaperçues si longtemps.
— Mes filles sont des gardiennes de civilisation. Niir la Douce, Erya Gardienne de la Cité des Elfes, Tysa, Gardienne de la Cité des Galaxies et Dyn' la Farouche. À présent que nous sommes tous réunis, partons à la rencontre de l'impératrice du Ciel et des Océans.
Très vite Dragnar augmenta l'allure, Daroh se profila au loin, vu du ciel la forteresse ressemblait à un château de sable qu’il pourrait broyer, aussi aisément qu’un rocher. Le pavillon de la Rose Noire se dressait fièrement sur chacune des tours de guet, pourtant, tandis qu’il laissait la cité humaine derrière lui il ne put s’empêcher de remarquer l’absence des hautes torches. Du temps de la Première Guerre, Daroh illuminait les cieux de ses feux, l’ennemi savait alors que la Rose Noire, fleuron de l’Impératrice de la Mort, trônait. Cela ne pouvait signifier qu’une seule chose, Daroh n’avait pas de reine. Laissant le royaume humain derrière eux, ils arrivèrent en vue de la péninsule de Terra et en quelques coups d’aile, la mer des caprices apparut.
Droght poussa un cri de rage, tandis qu’ils survolaient l’immensité des flots. « Des Ténèbreux ! »
Orichon donna immédiatement ses ordres de bataille pour assurer la sécurité de son souverain. Drik, Dyn' et Machromus piquèrent sous les nuages. Erya, Tysa, Niir passèrent en vol stationnaire au-dessus de Dragnar.
— Drogth reste près du seigneur dragon ! Je me charge de cet intrus.
Le Doré n'eut pas le temps de répondre que déjà le brave fondit sur son adversaire.
— Drogth ! Nous sommes cernés ! Brailla Niir. Que faisons-nous ? 
Il évalua la situation, trois Noirs avaient surgi de nulle part et les encerclaient, lorgnant d'un œil intéressé le Roi Dragon.
— Nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes. Les autres sont occupés. Assurons la protection de notre Seigneur ! Évincez-les ! 
Les trois femelles fondirent sur leurs adversaires crachant leur magie, déchirant la chair de leurs griffes acérées, mais rien n'y fit. Le nombre de Noirs ne faisait qu'augmenter. Les puissants béhémots, trop vite dépassés par leurs assaillants ne parvinrent pas à reprendre le dessus. Dragnar regarda, impassible, ses fils et filles lutter pour sa sécurité. Il savait, au plus profond de son être, qu'il n'avait pas le droit d'entrer dans la bataille. Seule comptait sa vie, il devait arriver au repère de Tenylessia quoiqu'il en coûte. Ses rejetons avaient conscience de cela également, car aucun ne faiblissait. Pourtant, malgré ses obligations de souverain et son devoir de réserve, Dragnar se souvint de ces paroles qui ravivent les âmes et emplissent votre cœur de bonheur. Il se remémora Solstyce, à l'époque où elle le chevauchait. En ces temps glorieux, la belle souveraine ne cessait de lui hurler aux oreilles : « Jamais Dragnar, jamais n'oublis tes amis, ceux que tu aimes et que tu chéris, les lois sont faites pour être transgressées, même si tu dois rester en vie pour une raison ou une autre ne laisse pas les autres mourir pour toi, car alors, jamais tu ne seras un grand roi ! ». 
Ces paroles oubliées ravivèrent en lui la fureur de sa jeunesse. Cette époque où il se dressait face à l'ennemi pour le terrasser. Une pensée suffit à Drogth pour comprendre ce qu’il désirait faire. Le doré rappela ses sœurs, rentra en contact avec Machromus et se tapit dans les nuages.
— Que fais-tu, Drogth ! rugis Orichon.
— Nous n'avons plus assez de forces pour nous battre. Trop longtemps nous sommes restés oisifs à attendre que l'heure arrive. Mais vois comme notre père est vaillant. Fais-lui confiance...
Dragnar déploya ses ailes titanesques et l'océan se couvrit d'ombre. La gueule grande ouverte, le regard de métal embrasé d'un feu diabolique, Dragnar déchaîna sa magie sur les assaillants. Nombreux tombèrent sur le coup, se noyant inexorablement dans la mer capricieuse. D'autres néanmoins parvint à prendre la fuite, légèrement éméchés, mais apeurés. Dragnar n'eut pas la force de les pourchasser, cette déferlante ne pouvait être employée que lorsque Solstyce se tenait près de lui.
Pourtant quelqu'un acheva son ouvrage avec beaucoup d'élégance. Le ciel se voila légèrement et la foudre s'abattit sur les rescapés, les désintégrant totalement. Drik scruta l'épaisse couche nuageuse et distingua une forme semblable à celle d'un dragon.
— Qui est-ce ? Lui demanda Machromus
— Un dragon blanc... Son aura est impressionnante...
— Il maîtrise le pouvoir des éléments on dirait... Dangereux pour un si jeune dragon...
— Allons à sa rencontre ! ordonna Dragnar et tous le suivirent poussé par la curiosité.
— Nous te remercions de ton aide-fils. 
Le blanc accueillit ces mots d'une pirouette avant de répondre indifférent au rang de son aîné :
— Ma mère m'a chargé de vous mener à elle. J'ai pour mission de vous convoyer jusqu'à votre arrivée en son royaume.
— Quelle sage décision a-t-elle prise là... Mais dis-moi fils, quel est ton nom ?
— Kasek, né pour servir et protéger l'humanité. Kasek le Blanc Détenteur du Pouvoir des Éléments. 
— Et bien... Kasek... Comment expliques-tu que tu sois notre seule escorte ? demanda Orichon lui crachant au visage des gerbes d'étincelles.
— Car moi seul suffis. Enfin... J'ai devancé un peu mon ainé, mais au moins j'ai été le premier à vous voir et j'aurais raté les noirs si j'avais avancé à sa vitesse...
— Et qui est donc ton frère qui semble si lent à arriver ? 
Kasek dévisagea Le Brave de la gueule à la queue, ses yeux océans fulminaient de colère.
— À toi qui parle pour ne rien dire et qui te permet insulter celui qui sera ton seigneur, le plus puissant dragon du royaume d'Océania, toi dont l’âme est rongée par l'ambition, prononce encore une seule fois de tels propos et je te tuerais t'arrachant le cœur jusqu'à ce que ma faim soit rassasiée. M'as-tu saisi, Le Brave ?
— Comment oses-tu ? Misérable insecte ! 
— Silence ! Kasek ! Je t'avais demandé de m'attendre ! 
Le blanc se radoucit sitôt qu'il entendit la voix de son frère. Il se retourna vivement narguant Le Brave aux yeux de toute la portée et se rua vers son aîné. « Ne viens pas chercher des caresses quand tu ne mérites que des coups Kasek ! Mère m'aurait tué si j'étais revenu sans toi.
Un dragon de nacre apparu de la brume, gracieux, majestueux, royal. Dragnar eut du mal à cacher son étonnement. Jamais un béhémot n'avait revêtu telle parure. Leur couleur déterminait leur puissance. 
— Seigneur je vous présente mon frère aîné, Arydia.
— Fort bien... Et quels sont tes titres ?
— Arydia le dragon de Nacre. À présent, suivez-moi. Je vous faut accélérer votre rythme de vol. Nous devons parvenir au repère avant la tombée de la nuit.
Ainsi fût fait, Arydia força l'allure et les mena en direction du domaine de l'Impératrice. Kasek, dont l'attitude paraissait plus posée en présence de son ainé, scrutait le ciel avec attention.
— Je n'ai pas confiance en ce Nacré... cracha Orichon tout bas, je n'arrive pas à déceler en lui ne serais ce qu'une étincelle de magie. Il semble vide. Et cette impertinence ! 
— Je ressens la même chose que toi, cet Arydia est étrange, répondit rapidement Machromus, néanmoins, il est un de nos frères, peu importe sa couleur.
— Avoue tout de même que c'est suspect, un dragon qui ne dégage aucune aura...
— Je te l'accorde, mais, pour l'heure, je préfère croire que c'est un stratagème pour tromper l'ennemi. Après tout, cette teinte d'écaille est inconnue à notre peuple, qui nous dit que sa puissance n'est pas cachée sous cette apparence...
— Tu divagues Le Sage ! Nous empestons la magie à des kilomètres et tu voudrais me faire gober que cette couleur lui permet de camoufler son pouvoir ?
— Exactement, enfin ce n'est qu'une hypothèse. 
— Ça suffit Orichon ! Cesse de parler tout bas dans le dos de notre seigneur. Tu agis comme un conspirateur et nul secret ne doit exister entre nous. Au même titre que toute insulte envers un de tes frères est bannie. Aussi, arrête immédiatement ces affabulations. Nous verrons bien, tôt ou tard de quoi Arydia est capable.
— Bien dit Drik ! lança Machromus. 
Ils continuèrent leur route en silence. Soudain, Kasek se rua près de son ainé. « Des Noirs ! »
— Préparez-vous à la bataille mes fils ! hurla Dragnar.
— Non, Seigneur ! Permettez-nous de nous en charger avec Kasek. Continuez dans cette direction, nous allons avancer à leur rencontre.
— Comment ? Tu prétends pouvoir les vaincre sans notre aide ?
— Nous n'avons pas le temps de discuter, mère nous a donné un ordre bien précis et un horaire à respecter. Kasek, en route, couvre-moi ! 
À peine eut-il prononcé ces paroles qu'un Noir se précipita sur lui, plantant ses serres sur son dos. 
« Maintenant »
Kasek plongea dans l'océan et en ressortit traînant derrière lui une imposante quantité d'eau. De son corps s'échappa alors une chaleur torride qui évapora le liquide, donnant naissance à un épais brouillard. Arydia s'y fondit, tandis les Noirs se cessaient d'affluer vers lui.
— Aide le Kasek ! rugit Dragnar.
— Non ! J'ai rempli ma tâche j’attends qu'il émerge.
— Mais les noirs sont partout ! Il ne tiendra pas longtemps à ce rythme ! 
— N'ayez crainte père. Arydia est le plus puissant ! Jamais il ne tombera.
Kasek repartit en direction de la bataille et décrivit des cercles autour du corps de son ainé. Bientôt la brume se dissipa et c'est un Béhémot couleur sang qui se dressa face au Ténébreux. 
« Je t'appelle colère et folie destructrice, toi qui gouvernes leur cœur et leur corps. Apparais-moi sous ta vraie forme et déchire leur chair de ton courroux ! » 
Arydia ouvrit alors les yeux, des yeux de lave et de furie. Les Ténébreux, possédés, contrôlés, devenus fous, s'arrachaient leur propre chair et se laissaient tout simplement mourir sous le coup de l'esprit de la colère et de la folie. 
« Kasek, achève-les maintenant, aucun ne doit survivre nous sommes trop prêt de l'ile. ». 
Obéissant, Le Blanc abattit la foudre sur ses ennemis et décima la nuée. Arydia, satisfait du travail de son cadet, reprit petit à petit son aspect nacré sous le regard effaré de ses frères et sœurs.
« Un télépathe ? J'ignorais que nos rejetons pouvaient posséder ce don » pensa Dragnar. Mais il n'eut pas le temps d'approfondir la question, car, déjà, le domaine de l'impératrice se dressait devant eux.
— Couvre notre arrivée Kasek.
À nouveau un épais brouillard se leva et Arydia les mena à l'entrée d'une grotte. Le nacré les invita à le suivre jusqu'au centre de la montagne. Le sanctuaire de Lenscraft.
— Bien des interrogations demeurent pour moi une énigme mon fils, commença Dragnar à l'attention du Nacré, j'ai vécu de bien longues années, pour ne pas dire des siècles et jamais, de toute ma nuée, je n'ai vu un tel pouvoir, il est terrifiant, mais déterminé par ton esprit, je suppose. Allons, révèle-moi les secrets de ta naissance.
— Ce n'est un secret pour personne, vous avez fécondé l'Impératrice, elle a pondu et quelque temps après, mon œuf, ainsi que tant d'autres ont éclos.
— Pardonne-moi d'insister, mais tu me parais anormalement puissant pour un si jeune dragon.
— Je pourrais dire pareil de vous Seigneur, pour être si âgé vous vous battez encore avec une certaine fougue. 
Dragnar tiqua, mais il sut lire la plaisanterie sous le masque fermé du béhémot.
— Où as-tu éclot ?
— Je ne vois le rapport Sir, je suis né ici, dans ces galeries et comme tous mes frères j'ai grandi dans les ténèbres avant de pouvoir rejoindre librement le ciel. L'impératrice venait régulièrement nous nourrir de son lait, puis au bout de quelques années, nous reçûmes de la viande fraîche. S'en est suivi une première escapade vers l'infini bleuté où j'ai appris à voler, j'ai chuté d'ailleurs la première fois (Cette pensée lui fit cracher un léger ricanement), j’ai heurté le globe de protection de Lenscraft et Eternya après avoir dégringolé la falaise. Je me suis réveillé les écailles en sang et Mère ne m'a plus laissé sortir avant que Kasek ne vienne au monde. Voilà, vous connaissez à peu près tout ce qu'il y a à savoir sur ma vie, elle ne fut pas très trépidante, mais elle me convient.
— Tu as percuté la barrière ? Pardonne-moi d'insister, mais cet incident m'intéresse au plus haut point.
— Je n'ai guère de souvenir, j'ai reçu un tel choc que j'ai du mal à me remémorer chaque détail.
— Je te remercie Arydia, de m'avoir patiemment répondit.
— À mon tour de vous posez quelques questions. Rien d'indiscret je vous rassure, juste de la curiosité.
— J'ignore si je vais pouvoir t'apporter entière satisfaction fils, mais je tacherai de faire de mon mieux.
— Voilà, commença-t-il tandis qu'ils traversaient à présent une pièce au large plafond et aux piliers titanesques, il m'arrive lors de mes rares nuits d'être visité par un étrange esprit. Il m'apparaît parfois sous forme humaine et d'autres sous l’aspect d'une âme errante, mais c'est toujours la même voix qui me parle. Elle est chaleureuse et réconfortante, mais ferme, on dirait que cette personne m'appelle. Je suis télépathe, et de ne pas pouvoir entrer en contact avec cette « chose » me peine énormément, cela fait des années qu'elle tente de communiquer et qu'elle attend sans doute une réaction de ma part.
— Qui est-ce ? T'a-t-elle donné son nom, ses titres ?
— « Épouse des guerriers », Ça sonne assez bizarrement quand je le prononce, il me semble que cet ensemble de mots est incomplet... Enfin je n'arrive pas à m'exprimer correctement, mais vous comprenez sûrement ?
— Oui, je crois. Néanmoins je ne pense pas être en mesure de t’éclairer davantage. Les rêves sont souvent visités, ce sont des endroits paisibles où certaines âmes errantes, comme tu l’appelles, aiment à venir discuter. Le seul conseil que je puisse te donner c'est de tenter, la prochaine fois que tu la rencontreras en songe, de lui parler. Qui sait... Elle pourra te dire des choses intéressantes. Notre monde connaît un grand bouleversement, il n'est pas improbable que cette entité soit en mesure de t'aider un jour. 
Dragnar mentait à son rejeton. Il avait compris dès qu'il eut prononcé le titre de l'âme, de qui Arydia parlait. Sans pouvoir contrôler ses émotions, le Roi Dragon éprouva une pointe de jalousie pour son fils. Pourquoi ne s'était-elle pas adressée à lui ? N'avait-il pas été un fidèle compagnon ?
L'interminable marche dans les galeries s'acheva brusquement lorsque les rayons du soleil éblouirent leurs yeux. Kasek s'engouffra vers la sortie suivie de prés par Arydia. 
— Quel est cet endroit ? s'émerveilla Le Doré.
— Bienvenue, mes chers fils ! rugis une voix d'une incroyable douceur, et tous s'inclinèrent. « Kasek, Arydia, vous avez rempli votre mission bravement, soyez certains que je ne l'oublierais pas. 
Une dragonne d'un bleu océan splendide se posa délicatement devant eux et leur fit signe de se redresser avant de poursuivre d'un long discours : 
— Ceux qui se tiennent ici ont une grande tâche à accomplir, notre lignée se perd, mes enfants s'éloignent du but ultime de leur naissance, seuls vous êtes parvenus à échapper au pouvoir ténébreux qui se dresse aux frontières des Terres Uniques. De tout temps, nous avons préservé ce monde ainsi que ses secrets les plus intimes. Les plus puissantes armes furent placées sous notre protection, afin que le moment venu, ceux qui doivent les brandir de toute éternité puissent prendre possession de leur héritage. Ils sont de retour. Ceux qui décideront du destin de notre temps. La Vaillante Solstyce et le Courageux Kalicha ne devraient plus tarder à faire leur apparition en ce lieu. Le temps nous est compté. L'heure approche où un nouveau souverain prendra place sur le trône du Roi Dragon. Vous devez vous tenir prêt. Mon aimé, qui choisiras-tu pour héritier ?
— Permet moi de te remercier, ma douce, de ton accueil, et je rajouterai ceci, Je ne saurai tolérer pour successeur un être faible. En ce qui concerne mon choix je ne l'ai pas encore fait. Comprends-tu, mon amour, il m'est difficile d'écarter un seul de mes fils de ce glorieux titre.
— Et pourtant tu connais nos lois. Il te faut choisir ! Toi seul en as le droit et c'est là ton ultime devoir ! 
— J'en suis conscient. N'as-tu pas toi même un fils à présenter ?
La dragonne tiqua, mais reprit très vite ses esprits. 
— Et en quel honneur, moi, devrais-je remplir ton devoir ? 
— Il ne s'agit pas de me soulager d'un poids, mais sache tout de même que celui qui montera sur le trône demeure un de tes rejetons. N’est-il pas normal que tu choisisses avec moi ? D'autant que j'ignore tout de Kasek et Arydia. Pourquoi n'auraient-ils pas le droit, eux aussi, de postuler pour ce glorieux titre ?
— Je vois où tu veux en venir. Nous déciderons ensemble. Quatre sera un bon chiffre. Parlons sans hésiter. Qui proposes-tu ?
— Ma douce, ne serait-il pas plutôt plus intéressant de nous reposer ? Le voyage fut long et non pas dénué d'embûche. J'aurais besoin d’un peu de calme. Je ne souhaiterai pas commettre d'erreur. 
La dragonne sembla réfléchir un moment, mais Arydia savait, pour la connaître par cœur, qu’elle avait déjà envisagé cette requête. Néanmoins elle les fit patienter durant une éternité, scrutant le ciel de ses yeux limpides.
— Soit ! Répondit-elle enfin. Allons nous reposer. Suis-moi, cela fait des siècles que nous ne nous sommes pas entretenus seuls, toi et moi. 
Les deux béhémots se dirigèrent vers une obscure caverne et y disparurent. 
Sachant que les retrouvailles dureraient un certain temps, les rejetons commencèrent à s'agiter. Éloigné de la surveillance de leurs aînés les discutions allèrent bon train sur ce qu'ils venaient d'entendre.
— J’estime, entama Le Brave, être le plus qualifié pour remplir ce rôle. Tous reconnaîtront ma valeur. Nul autre que moi ne pourrait défendre nos frères.
— Tu te fourvoies si tu penses que telle sera ta mission, le contredit Machromus Le Sage, le souverain n'est nullement là pour protéger ses pairs, mais bien pour veiller sur les petits peuples. Notre force doit être mise à leur service et nous nous devons d'obéir à la Dompteuse de Dragon. Elle a autorité sur nous tous. En son absence, et tu le sais aussi bien que moi, notre Impératrice se tient à notre tête.
Le brave se rembrunit devant tant de ferveur. 
— Alors, à quoi bon avoir un roi si aucune décision ne lui échoit ! Je t'écoute mon frère. Quelle est sa mission ? 
— Notre seigneur n'a qu'un seul et unique rôle, engendrer, s'assurer de la survie de notre mère à tous, et combattre au coté de la Souveraine des Mondes. Tels sont ses devoirs. Chacun sait que seule notre impératrice ordonne. Lui même se soumet à sa volonté. Tu devras en faire autant. 
— Te moquerais-tu de notre père Machromus ? Où sont-ce les livres qui ont rendu ton esprit si poussiéreux ?
— Il suffit Orichon, coupa Drik, nous avons tous une mission à accomplir et s’il plaît à notre roi de te nominer pour être présenté à l'Épouse des Guerriers alors soit, nous accepterons son choix ! Pour l'heure, ne t'emballe pas. Il n'est pas dit que tu seras su sa liste.
— Si j'avais mon mot à dire, je proposerais bien Drogth. Il s'est montré bien plus hardi que toi lors de l'attaque des Ténébreux. souffla Niir La Douce. 
Le Brave se tourna vers elle si subitement qu'elle manqua étouffer un râle d'étonnement. 
— Tu oses te moquer de moi Niir ? Le Doré ne saurait tenir ce rang ! Et je le prouverai ! 
Il se planta face à Drogth qui maudit intérieurement sa cadette de l'avoir embarqué dans une telle affaire. 
— Alors Drogth, cracha Le Brave, tu ne dis rien ? Peut-être es-tu trop modeste pour admettre la vérité. Soit fort mon jeune frère. Penses-tu faire un meilleur souverain que moi ? 
Drogth le savait, il n’échapperait pas à la bagarre. Orichon était trop énervé pour laisser passer un ce nouvel affront. Il décida rapidement de l'attitude à adopter.
— Que je te dise que je suis plus digne que toi ou l'inverse, de toutes les manières tu te mettras en rage, alors vas-y, passe ta colère et qu'on en finisse. Je suis prêt. 
Il prononça ces mots d'un calme olympien avant de se rendre compte qu'il n'avait pas agi au mieux. Face au Brave il ne faisait pas le poids. Il n'y avait pas l'ombre d'un doute.
— Je vois que tu veux jouer au plus malin avec moi. Nous réglerons donc cet affront par la lutte. Néanmoins il me semble que ce n'est pas toi qui m’as offensé. Je serai donc clément et t'épargnerai mes crocs. 
Ayant dit cela il se rua sur Niir et lui planta sa gargantuesque mâchoire dans le dos. La délicate dragonne lâcha un cri à fendre l'âme et s'affala au sol secoué de spasmes. Le Doré n'en croyait pas ses yeux. De toute la nuée, Niir était la plus faible. Il savait aussi qu'elle était la plus sincère. La brutaliser ainsi était injuste. L'offense ne méritait pas si grand châtiment. Drik n'attendit pas une seconde de plus il déploya des ailes titanesques, et s'abattit sur sa proie tel un roc inébranlable. Orichon eu grande peine à esquiver l’attaque. Il prit son envol, tourna quelques instants au-dessus de son assaillant avant de lui déverser un torrent de lave bouillonnant. Drik balaya la rafale d'un trait et se jeta sur lui. Orichon, le coup lacéré, parvint à se retirer de son emprise et se prépara à une nouvelle attaque quand une bourrasque vint le déstabiliser en plein vol.
Kasek rentrait dans la lutte. Le Brave ne lui laissa même pas le temps de recommencer qu'il piqua en sa direction toute griffe dehors.
— SUFFIT ORYCHON ! JE TE BRISERAI AUSSI AISÉMENT QUE J’ANÉANTIS LES MONTAGNES ! TA VIE M’APPARTIENT DÉSORMAIS ! 
La voix stoppa le béhémot dans sa course folle et sa gueule se figea. Drik se dressait face à lui, dans toute sa splendeur. Le Gardien de la Porte du Sud exultait de rage. Orichon comprit que le combat était perdu d'avance. Néanmoins dans un élan de désespoir il s'écrasa sur son ennemi. Mais Drik se fit au dur que la roche la plus solide et les os du Brave se broyèrent sur son corps. À terre, vaincu, Orichon maudit son frère d'avoir usé de ce pouvoir contre lui. Drik posa une de ses énormes pattes sur le cou de son adversaire et lui murmura :
— Alors Le Brave, quel goût à la défaite ?
— Amer je dois l'admettre, mais tu n’aurais gagné sans l'intervention de cet insecte. Je t'écraserai Drik. Je te détruirai comme la lave dévore les flancs de la montagne si solide. Je te plierai à ma volonté.
— Tu ne seras jamais souverain de quoi que ce soit, je t'en fais le serment. Peut importe qui montera sur le trône, toi Orichon, mon frère, tu n'auras plus ta place parmi nous. Ne l’oublie jamais ! 
Les esprits se calmèrent d'eux-mêmes, Niir, aidée de ses sœurs, pansait ses plaies. Drogth ne pouvait détacher son regard du Gardien. Un si puissant béhémot, s’ils venaient à le perdre qu'adviendrait-il d'eux ? Il ne supportait pas cette idée, Drik était de loin le plus redoutable de tous et il devait admettre que nul autre que lui ne méritait ce titre. Il se sentait si misérable. Lui qu'Orichon était parvenu à dominer en quelques mots. 
« Je refuserai l'honneur qui me sera fait, s'il apparait que notre père me choisit pour successeur ». 
Sitôt qu'il émit cette pensée, un doute le traversa. Il pouvait être nommé, mais en définitive, seule La Souveraine des Mondes décidera. 
« Elle ne me choisira pas je le sens. D'autres méritent mieux que moi cet honneur » 
Un instant il contempla chacun de ses frères, espérant déceler chez l'un quelque chose qui forcerait la Dompteuse de Dragon à en choisir un autre que lui. Drik incarnait la majesté dans toute sa splendeur. Droit et noble, tels étaient ses atouts, d'une puissance sans faille. Machromus, la Sagesse même. Un Grand Dragon, aimant les jeunes civilisations. La connaissance demeurait son point fort. Diplomatie également, il ne parlait rarement pour ne rien dire. Orichon, il venait d'en avoir la preuve immédiate, ne ferait jamais un souverain digne de ce nom. Violent, arrogant, pervers. Il haïssait la faiblesse et ne tôlerait aucune forme de lâcheté. Nullement cultivé, sa seule personne suffisait à l'intéresser. Il demeurait néanmoins très fort, mais incontrôlable. Puis il restait ses deux jeunes frères. Il ne les connaissait que très peu, mais déjà Arydia lui paraissait le plus apte à trôner à leur tête. Il sentait qu'une aura de puissance sans borne émanait de lui. Comme Le Sage, il semblait n’aimer parler que lorsque cela se révélait réellement utile. Et puis, une part de mystère l'entourait. Il ne savait pas encore comment la qualifier, mais il avait l’impression qu'il s’était préparé depuis longtemps à ce poste. Peut-être se faisait-il des idées après tout. Il ne le connaissait pas. Mais tout de même... Il le sentait... Dans son cœur, dans sa chair, de cette théorie farfelue un serment naquit au plus profond de son esprit. Drogth n'était le Gardien de rien, il n'avait aucune mission particulière à remplir, aucun devoir si ce n'est celui de sa race. Le pacte prenait forme. Évoluait par bribe. Discrètement il s’entailla une patte et marmonna les phrases rituelles scellant l'acte par le sang. 
— Que dis-tu tout bas mon frère ? Lui demanda Tysa.
— Rien ma sœur je réfléchissais tout haut.
C'était fini, Le Doré venait de sceller son destin. Il le savait, rien ne sera plus jamais comme avant. Les pions sont en place. Tout se déroule comme il l'avait vu en rêve. Un songe voilé de ténèbres, mais une vision tout de même. Une vie pour servir. Une vie pour mourir, mais une vie à ne pas gâcher. Telle était la voie qu'il choisit en ce lieu saint et en cette heure fatidique.

*

Au cœur des galeries de l'Impératrice du Ciel et des Océans, Dragnar se sentait un peu chez lui. C'est ici, en ces lieux, qu'il avait maintes fois fécondé sa reine bien aimée. Mais aujourd'hui il ne venait pas pour remplir cette noble mission. Un choix devait être fait. Quatre de ses fils seraient présentés à la Dompteuse de Dragons. La vaste salle dans laquelle il se trouvait était telle qu'il en gardait le souvenir. De lourdes colonnes soutenant la voûte rocailleuse, le plafond, recouvert de cristaux reflétait harmonieusement les gigantesques flammes embrasant l'air.
— Et dire que jadis les nains bâtirent cette forteresse en ton honneur. Eux qui ne vivent qu'égoïstement pour leur trésor. J'ai toujours peine à croire qu'ils se soient séparés de telles pierres pour t'en faire don.
— Alors ne le croit pas mon tendre amour. Ils ne sont pas si ingrats que tu veux bien le penser. De nombreuses qualités émanent de leurs petites personnes. Ils sont bien plus généreux et bien plus respectueux que les autres races. Cette forteresse est leur façon de nous remercier pour les bienfaits que nous apportons à ce monde. Mais venons-en aux faits.
— Tu as toujours été impatiente ma douce. Ne puis-je pas me reposer un peu ?
L'Impératrice lui adressa un regard empli d'affection avant de frotter son énorme tête contre la sienne.
— Tu n’en as pas le temps, mon amour. Tu le pourras lorsque ton choix sera fait et que nous aurons réglé ce souci.
— Alors, décidons. Je souhaiterai proposer Drik, Gardien de la Porte du Sud ainsi que Machromus le Sage à ce titre. Il nous manque deux fils. As-tu une idée ?
La dragonne réfléchis quelques minutes, puis plongea son regard océan dans celui de son éternel époux. 
— Je présenterai volontiers Arydia à ce titre, il est vaillant, même si tu n'as pas eu l'occasion de voir plus en détail ses capacités. 
Dragnar s'accrocha à cette perche et enchaîna sur son rejeton.
— Ton fils est puissant, je n'ai pas besoin de plus de détail pour m'en rendre compte, il mérite autant qu'un autre sa chance. Mais il me faut t’entretenir d'un songe qu'il m'a confié.
— Ce rêve où une âme le visite, une femelle se nommant « L'épouse des Guerriers ? » Oui il m'en a bien parlé, une fois, mais je n'ai pas souhaité l'aiguiller sur les réponses qui lui revenaient de droit. En quoi cela te dérange-t-il ?
— Disons plutôt que cela m'inquiète, cela signifierait que Solstyce a fait son choix et que ton fils était destiné de toute éternité.
— En effet, c'est également la conclusion à laquelle je suis arrivée. Mais pourquoi ? Je l'ignore en revanche as-tu eu une conversation avec Kasek ?
— Je n'en ai pas eu l'occasion il est un peu trop vif pour moi... bouda le Roi Dragon. 
— Il te ressemble énormément mon amour. Plus que tu ne pourras jamais le croire. Mais ce n'est pas de cela que je souhaite t'entretenir. Kasek a lui aussi été visité en rêve... 
Dragnar s'éloigna de sa bien-aimée et cracha quelques gerbes d'étincelles sur un brasier prés à s'éteindre. Puis il concentra son pouvoir et enferma la chambre de la reine sous un bouclier protecteur.
— Nous serons ici à l’abri des oreilles indiscrètes. Parle sans hésiter douce Impératrice. Je sais que tes paroles seront sages et emplies d'une incommensurable vérité.
— Ainsi soit-il. 
Elle marqua une courte pause et déploya ses ailes titanesques, son corps se brouilla, puis se métamorphosa en une magnifique femme. Elle leva une main en direction de la gueule béante du Roi Dragon et en caressa le museau. À la lumière des flambeaux, sa chevelure de blé et sa robe de voiles bleus reflétaient la grâce des déesses. Dragnar fit de même et c'est un homme à la beauté princière, qui se matérialisa devant elle.  
— Parle ma bien-aimée, quel est ce rêve ? ».
— Notre fils, Kasek, a reçu la visite du Maître de Lenscraft. Kalicha est venu à sa rencontre à travers ses songes. Doucement, il le prépare à assumer sa tâche, car Solstyce ne doit plus être la seule capable de contrôler notre maison.
— Pourquoi Kalicha aurait-il besoin de Kasek ? Je pensais que seule Solstyce possédait le privilège de chevaucher les Dragons.
— C'est aussi ce que je croyais, mais Kasek en rêve chaque nuit. Il est possible que ce soit le désir de rester toujours auprès de son frère qui soit à l'origine de ces songes, mais...
— Mais tu es persuadée qu'il y a autre chose ?
— Oui. Je suis certaine que Kasek est destiné à combattre au côté de Kalicha. Je sais, mon aimée, que tu ne portes pas cet humain dans ton cœur, mais accepte, je t'en conjure, qu'il soit celui qui règne au coté de Solstyce. Pour le bien de l'humanité, et de notre peuple, il faut que tu lui fasses confiance.
— Je ne suis pas un monstre mon amour. J'ai foi en ses qualités, mais je n'apprécie que très peu ses manières. Néanmoins je dois l'admettre Kalicha reste un grand guerrier. Alors ? Comment procédons-nous ?

*

Drik tenait toujours fermement Orichon au sol, craignant, sans doute que celui-ci ne récidive suite à sa défaite. Pendant ce temps, Niir la Douce se faisait soigner par Machromus. Drogth ne se sentait pas à sa place, il était, sans nul doute, responsable de ce carnage. Si Le Brave n'éprouvait pas tant de haine à son égard, tout ceci ne se serait pas passé. Il remarqua qu'Arydia était en grande discussion avec son cadet et décida de se joindre à eux.
— Kasek, j'ai déjà entendu cette histoire, et mère n'a rien voulu nous dévoiler alors pourquoi insistes-tu ? Pour l'heure, contente-toi de faire ce qu'on t'a demandé... Il s'interrompit pour accueillir Drogth chaleureusement. « Tu sais que tu nous as impressionnés. Tes propos n'étaient pas très appropriés, mais tu sembles avoir de l’expérience avec Orichon.
— Je ne pense pas avoir agi au mieux, à cause de moi Niir est gravement blessée, elle ne pourra malheureusement plus reprendre sa place parmi les peuples de la forêt. Je suis le seul fautif dans cette histoire c'est moi qu'Orichon aurait du mettre en pièce.
— Ne te sens pas coupable de la folie de ton aîné, dragon d'or, nul ne pouvait prévoir qu'il se retournerait contre sa sœur. Tu as agi au mieux. Mais dis-moi, qu'est-ce qui t'emmène vers nous ?
— Rien de spécial, disons que je ne suis pas très utile pour le moment et j'ai bien envie de faire votre connaissance à tous deux, nous allons être amené à remplir de grandes tâches ensemble, alors je tenais à venir me présenter comme il se doit.
— C'est gentil de penser à nous ! Lança joyeusement Kasek. Mais ton inutilité sera de courte durée. Notre mère à des missions à nous confier et... il se tut soudain et fixa son regard vers le ciel.
— Qu'y a-t-il Kasek ? Demanda Arydia. Tu as senti quelque chose ? Parle ! 
— Il me semble que des ennemis ne vont pas tarder à faire leur apparition... Je n'en suis pas certain ma perception est brouillée. Pourrais-tu vérifier pour moi ? Tu as une plus grande capacité d'observation.
Arydia s'exécuta et scruta le ciel. À son tour Drogth étendit sa vision et son esprit, mais il ne ressentit rien de plus que le calme serein de la mer endormie.
— Je n'ai rien vu en ce qui me concerne, tu es sur de ton impression Kasek ?
— Oui Drogth, cela ne fait aucun doute, des ennemis approchent, je peux sentir leur aura ténébreuse jusqu'ici.
Arydia ouvrit ses yeux de lave et sa gorge lâcha un râle d'une puissance et d'un écho tel, que tous se tournèrent dans sa direction.
— Nous devons mettre La Douce à l’abri ! Aidez-la à se relever, qu’elle se rende à l'entrée de la caverne, qu'une de ses sœurs reste près d'elle ! 
— Qu'y a-t-il ? questionna Drik inquiet par cette soudaine démonstration d'ordre.
— Des ennemis approchent en grand nombre. Notre reine ne peut nous porter secours. Nous allons devoir assurer la défense du sanctuaire seul. Kasek !
— Que fais-tu d'Orichon, lui demanda Drogth, il peut nous aider dans la bataille.
— Drik ! Orichon ne doit pas bouger, c'est lui qu'ils viennent chercher ! 
— Impossible ! Rugit Le Sage. Tu divagues Arydia ! Orichon n'a rien à voir avec les ennemis ! 
Arydia le transperça d'un regard de feu avant de se tourner vers Le Brave. 
— Tu n'es pas digne de confiance ! C'est toi qui les as menés à nous ! Notre repère ne peut être détecté, car il est entouré d’un champ de protection. Mais quelqu'un leur a donné nos coordonnées. Tu demeureras donc au sol. Tels sont mes directives !
— Je n'ai pas d'ordre à recevoir d'un insecte tel que toi ! S'emporta Orichon en tentant de se relever. Je me battrais pour prouver ma valeur ! 
— Ha oui ? Et à qui as-tu besoin de prouver ta valeur ? À nous ? À eux ? Kasek où sont-ils ?
— Tout proche, je les sens ! Ils inondent le Pays des Miroirs de ténèbres. Frère, leur noirceur ne va pas tarder à nous atteindre. Nous allons devoir livrer bataille au cœur du domaine ! 
— Qu'il en soit ainsi. Kasek quoiqu'il arrive n'oublie pas que les armes divines sont notre priorité. 
Kasek acquiesça d'un signe de tête et replongea son regard vers le ciel. L'attente fût longue et insoutenable, mais bientôt une nuée de Noirs apparût et précipita le sanctuaire dans les ténèbres les plus épaisses.
— Kasek ! Ils se servent de l’obscurité pour camoufler leurs attaques tu dois briser l'enchantement. Erya te couvrira. Va maintenant ! 
Le Blanc se lança à l'assaut des cieux, suivi de prés par Erya. Un premier jet de lave croisa son chemin, mais la Gardienne le dévia d'une pluie de glace. 
— Grande sœur, tu devrais fermer les yeux ! Ma magie te rendrait aveugle.
— Et comment te protégerais-je si je ne vois rien ? questionna-t-elle intriguée, en évitant d’autres assauts.
— À partir de maintenant, cela n'a plus d'importance on approche du point central de l'enchantement. Va, arrête ici ton envol et ferme les yeux, Arydia te diras quand les rouvrir.
Erya s'exécuta et Kasek poursuivit seul son ascension. Soudain il le trouva et se campa face à l'immondice, dans un murmure il proféra quelques paroles incompréhensibles. Puis ce fut l'éclair. Comme libéré d'un sommeil d'éternité, la lumière se fit violente et destructrice. Le charme des Noirs, balayé par la puissance du Blanc fut réduit à néant. Erya le rejoignit rapidement lui évitant le pire au dernier moment.
— Merci grande sœur, sans toi je serai peut-être mort. On dirait que ce Noir-là n'a pas beaucoup apprécié que je réduise son sort en morceau.
— Viens, ils attaquent au sol, nous devons aller prêter main-forte à nos frères et sœurs.
Les rejetons de Dragnar se battaient avec rage et puissance, privé de leur camouflage, les Ténébreux frappaient avec moins de force, mais le nombre compensait largement la faiblesse et bientôt ils furent dépassés. Kasek les avait rejoints, mais il comprit bien vite que son pouvoir ne servait à rien en corps à corps. Il jeta un oeil en direction d'Arydia, qui lui aussi, avait grande peine à retenir ses assaillants. Puis, ce fut le drame, un des Noirs manqua heurter le globe aqueux. Les regards des deux frères se croisèrent, et d'un commun accord ils se précipitèrent vers le trésor à protéger. Drogth les vit, il comprit alors qu'ils allaient tenter quelque chose de tout à fait impensable et dangereux. Kasek poussa un terrible rugissement et celui de sa mère lui fit écho. L'Impératrice se matérialisa au centre du champ de bataille sous sa forme humaine accompagné du Roi Dragon.
— Mes enfants ! Vous avez vendu votre cœur au Dieu-Démon. Vous ne recevrez de nous aucune pitié. Qu'êtes-vous venu chercher ?
Les Ténébreux cessèrent leur assaut tandis que le plus grand d'entre eux se planta devant L'Impératrice.
— Mère, notre ami qui nous a gentiment conduits ici. Mais vous vous doutez bien que nous ne repartirons pas les mains vides. Notre maître désir Lenscraft et Eternya.
— Sais-tu, mon fils, que si Lenscraft et Eternya sont sortis du globe par ceux qui ont reçu le droit de les porter tu ne pourras plus les prendre ?
— Ceux dont tu parles ne sont pas ici.
— Ceux choisis par Solstyce et Kalicha peuvent brandir ces armes. Une fois qu'elles seront en leurs possessions, ton seigneur ne pourra les réclamer.
— Ces dragons n'existent pas. Ils n'ont pas encore été choisis par vos mortels ! 
— Ils l'ont été de toute éternité. Juges-en par toi même. Elle adressa un signe de tête à Arydia et Kasek. Obéissant les deux jeunes béhémots prirent forme humaine et toisèrent leurs ennemis du regard. Le Nacré, sous l'apparence d'un adolescent aux courts cheveux gris fut le premier à parler. Sa voix résonnait d'une pureté telle que Drogth crut sentir des larmes perler sur sa gueule.
— Nous le pouvons grand frère ténébreux. La Dompteuse de Dragons m'est apparue en rêve et m'a choisie. Je suis Arydia, Prince de Reidrag et compagnon d'armes de Larya. Seigneur des Âmes.
Puis ce fut à l'enfant aux cheveux de neige de parler.
— Quant à moi, j'ai été choisie par Kalicha. Je suis Kasek le Blanc, Maître des éléments et Gardien des Terres Unique.
D'un même mouvement, les deux frères plongèrent leur bras dans le globe aqueux et empoignèrent les artefacts divins. Kasek prit possession de Lenscraft, l'épée de Crystal et Arydia d'Eternya, la hallebarde d'or.
Le Noir recula d'un pas, craignant la puissance de ces armes. Il dévisagea longuement les deux enfants avant d'ordonner à ses troupes de se retirer et tandis qu’il quittait le sanctuaire, il donna un dernier avertissement : 
— Cys viendra. Car lui seul peut désormais arracher à ces enfants leur héritage. Craignez son courroux ! 
Un silence de mort s'instaura après le départ des ténébreux et tous interrogèrent Kasek et Arydia du regard. Coincé, Orichon ne partageait pas leur curiosité. Cloué au sol sous la pression de Drik, il ne pouvait détacher son regard de l'Impératrice du Ciel et des Océans qui s'avançait vers lui. Même sous sa forme humaine elle restait terrifiante.
— Tu as trahi notre ordre Orichon. Tu as mené les Ténébreux jusqu'à nous forçant Arydia et Kasek à prendre possession des armes avant l'heure. Tu as mis en danger la vie de tes frères et sœurs et souillé cette terre sacrée par tes actes insensés. Tu mérites un châtiment. Mais avant cela je te laisse le droit de parler. Qu’as-tu à nous apprendre sur les desseins de nos ennemis ?
— Si je parle, aurais-je la vie sauve mère ?
— Si tu parles, mon fils, tu n'auras que la satisfaction d'avoir fait quelque chose de juste avant que la mort ne t'emporte.
Orichon lui raconta tout ce qu'il savait sur les agissements de ses acolytes, ou du moins tout ce qu'il voulait bien révéler. Mais une chose inquiéta l'Impératrice.
— D'ici peu de temps Cys s'éveillera. Il se nourrit de la colère de Mordreka, très prochainement un événement tragique viendra accélérer le réveil du sombre guerrier. Et ce sera le commencement d'une nouvelle guerre. Personne n'y survivra, car un nouvel ennemi, plus puissant fera son apparition. Sa naissance est prévue pour bientôt.
— Sa naissance ? Parle ! De quoi s'agit-il ?
— « Celui qui lutte contre la Sombre Nuit », il sera le fils de notre maître. La prophétie n'a pas menti. Il viendra rompre l'équilibre de ce monde et personne, pas même vos héros ne pourront le tuer.
— Le fils de Pheltra Goism ? La puissance à la naissance est déterminée par les deux parents alors, dis-moi qui sera la mère.
— Que vous êtes crédule, Pheltra Goism n'est pas le père. Je ne connais d'ailleurs pas son nom, mais sa mère est celle qui domine au Royaume des Morts. C'est elle qui enfantera bientôt de cet être de chaos. Elle.
Tenylessia se pinça les lèvres et jeta un dernier regard à son fils avant de se détourner de lui pour rejoindre son époux. Dans un souffle d'espoir Orichon crût qu’elle le laisserait vivre, mais il se trompait. Un vent de lame déchira ses chairs et Le Brave périt pour trahison envers l'humanité.
L'Impératrice prit un moment pour réfléchir, les événements annoncés par son défunt rejeton n’arrangeaient pas leurs affaires. Désormais, elle le savait, elle ne pouvait plus attendre la venue de Solstyce et Kalicha. Il fallait agir vite pour empêcher le pire de se produire. La naissance de cet enfant la déroutait. Le fils du maître et de Mordreka. Celui qui lutte contre la Sombre Nuit.
— Dragnar, mon amour, nous ne pouvons plus attendre. Le temps nous fait défaut. Il nous faut marcher sur les Ténébreux afin d'empêcher Cys d'entrer en possession de son armée. L'est de Mysteria est sous la domination des démons et des Elfes noirs.Nous devons reprendre ce royaume. La guerre est imminente.
— Tu parles d'envahir ma douce ? Mais sans Solstyce à nos côtés, nos armées ne peuvent se mettre en marche et tu le sais.
— Il est temps pour nous d'enfreindre quelques lois tu ne crois pas ? Elle lui dédia un sourire animal qu'il lui rendit.
Tous se rassemblèrent autour d'elle. Elle les jugea du regard et s'arrêta sur ses fils élus. Un vague frisson la parcourut, elle l'écarta d'un geste nerveux de la main et leur donna ses ordres.
— Drogth, tu as une mission capitale à remplir, tu dois partir quérir l’aide de Celui qui vécut Mille Ans et le conduire à la forteresse de Daroh, Erya, Tysa, vous les escorterez. Drik, désormais il n’est plus nécessaire que tu veilles sur la porte du Sud, la guerre est en marche, nous avons besoin de toutes les forces disponibles. Va instaurer un bouclier de protection au Palais des Secrets avec Machromus et allez chercher vos frères et sœurs dispersés dans le monde. Rassemblez notre armée. Rendez-vous à la cité de Daroh dans deux semaines. Partez sur-le-champ ! Niir et Dyn demeureront avec moi, nous vous rejoindrons lorsque La Douce sera rétablie. Puis elle se tourna en direction d'Arydia et Kasek. « Mes chers petits, de tout temps votre devoir fut de protéger les Terres Uniques, mais personne ne pouvait se douter que vous en seriez les Seigneurs et Gardiens. Suivez Drogth et remettez les Armes à leurs propriétaires respectifs. Vous resterez par la suite avec eux. Où qu'ils aillent, quoi qu'ils fassent. Peu importe les dangers, votre mission est de combattre à leur côté. Dans deux semaines les armées des jeunes races devront se tenir prêtes à partir pour l'Est.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire